At home

Cette huile sur toile a été peinte par Christian-Henri ROULLIER. Elle représente une scène de genre avec, en vedette, sa sœur Blanche dans leur appartement chic et bourgeois à Paris (rue Montevideo dans le 16ème). C’est un aperçu de leur statut social et un retour sur leur vie passée.

La lecture du tableau part de la droite où Blanche est assise, pour se terminer au troisième plan à gauche. La diagonale soulignée par la perspective nous emmène à l’arrière où la profondeur est augmentée par la présence du miroir.  

La composition de l’intérieur du logis, chargée d’une part par l’accumulation d’objets et d’autre part par le vide laissé sur toute la partie gauche, donne une impression d’équilibre et facilite la lecture.

L’œuvre est rythmée par des lignes verticales et horizontales : les montants de la fenêtre, le mur de séparation, l’armure japonaise, l’alignement du miroir et de la cheminée, le bras droit de Blanche, le dossier du sofa et le linteau du mur de séparation, instrumentalisant l’histoire du lieu.

La lumière inonde la toile, elle vient de la droite par la grande baie et par la deuxième qui est cachée dans la pièce au fond. Elle contraste l’ensemble dans une tonalité blanche et augmente d’autant plus la perspective.

Blanche, dans la fleur de l’âge, est peinte dans un style impressionniste. Le jeu de lumière sur la robe et la facture spontanée ne sont pas sans rappeler l’œuvre de Pierre Auguste RENOIR, Assise à l’ombre dans le jardin de 1872. Les détails de la robe et de la coiffure permettent de dater le tableau à la fin du XIXème. Tout comme le buste de madame ROULLIER mère, décédée en 1899, positionné sur la cheminée : certainement fin XIXème ou tout début XXème.

Ce tableau illustre le caractère collectionneur de la famille. L’intérieur bourgeois ressemble un peu à une nature morte ou s’accumule les curiosités très à la mode depuis le XVIIIème siècle. Les acquisitions de la famille sont mises en valeur comme dans un musée. Le peintre devient le metteur en scène de la vie bourgeoise, il nous montre ici des souvenirs, des objets de collections, un résumé de leur vie bien remplie entre la conquête de l’ouest et la vie mondaine parisienne et provinciale.

Dans cet appartement typiquement Haussmannien, Christian-Henri souligne la réussite familiale, le rêve américain accompli et le gout du voyage. 

Plusieurs citations nous rappellent leur vie aux États-Unis ou ils vécurent des dizaines d’années avant de revenir définitivement en France. Le titre de l’œuvre : At home (à la maison), la peau d’ours brun que nous distinguons au troisième plan, devant la cheminée (rappel du Far West, de la vie de trappeur que l’artiste a pu rencontrer dans ses pérégrinations américaines et dont il s’est inspiré pour sculpter Retour de chasse).

Ensuite la décoration orientale et asiatique. Eugène Delacroix initie le voyage en Orient dans les années 1830 et il était de bon ton de collectionner et de ramener de ses expéditions des artefacts orientales et asiatiques grâce à l’ouverture du Japon en 1854. 

Pour la partie asiatique, nous retrouvons la fabuleuse armure de samouraï, les 8 masques du théâtre Nô (deux sont cachés) sur le linteau du mur, le plat chinois (tigre et dragon) faisant suite aux masques sur la droite en haut.

Pour la partie africaine, nous pouvons remarquer Blanche dans une pose presque odalisque, référence par excellence à l’orientalisme. Elle est assise sur un canapé dans une position lascive avec une abondance de coussins dont un par terre, un grand tapis oriental à ses pieds. Les cruches en laiton au-dessus de sa tête (même si ce ne sont pas forcément des cruches tunisiennes) sont un rappel de l’artisanat des peuples d’Afrique du Nord. Enfin on remarque les deux tableaux orientalistes accrochés sous le plat peint par Christian-Henri lors de son voyage en Tunisie.

En conclusion, Christian-Henri accorde beaucoup d’importance à sa sœur Blanche et prouve le lien indéfectible entre eux deux. Dans ce tableau, il se révèle un peintre plein de nostalgie et de tempérance et nous embarque dans ses voyages et sa vie romanesque.